Livre du jeu de mail

Le jeu de Mail: l’ancêtre du jeu de croquet

Au XVIième et XVIIième siècle, on pratiquait en France le jeu de Mail, considéré comme l’ancêtre du jeu de croquet.

A l’origine , le mot mail désignait un marteau en français ancien (il en reste les mots maillet et mailloche).

Il existait quatre façons de jouer :

  • rouët,
  • partie,
  • chicane,
  • grand coup.

La chicane ressemble au golf actuel (certains disent que c’est l’ancêtre du golf, importé en Écosse par des soldats revenant de France).

Comme au golf, le vainqueur était celui qui atteignait un objectif fixé à l’avance en moins de coups.

La chicane pouvait se jouer dans des lieux improvisés à la campagne, alors que les autres types de jeux de mail nécessitaient un long terrain plat aménagé spécialement. Il reste dans les villes françaises de nombreux parcs et esplanades dont le nom évoque leur fonction initiale de jeu de mail.

jeu de pall mall
Une partie de Pell-Mel (jeu de Mail en anglais), le Roi Winter s’apprête à frapper une balle le long de l’allée, aquarelle, sur craie noire, rehaussée d’argent. Adrian Van de Venne – Entre 1620 et 1626. (domaine public)

Le grand coup consistait à envoyer la balle le plus loin possible en la frappant avec le maillet. Certains joueurs dépassaient la marque des 200 pas (plus de 100 m).

Le rouët se joue avec plusieurs balles.

La partie se joue par équipes.

Le premier livre de règles du jeu de mail a été publié par Joseph Lauthier en 1717 :

« Nouvelles règles du jeu de mail, tant sur la manière d’y bien jouer, que pour décider les divers évènements qui peuvent arriver à ce jeu. »

Livre du jeu de mail

Photo: Bibliothèque Méjanes sur Flickr licence cc-by-sa

Extrait de l’introduction:

Il est certain que de tous les Jeux, d’exercice, celui du Mail est le plus agréable, le moins gênant, le le meilleur pour la santé. Il n’est point violent, on peut en
même temps jouer, causer, et se promener en bonne compagnie.
On y a plus de mouvement qu’à une promenade ordinaire, l’agitation qu’on se. donne en poussant la Boule d’espaces en espaces fait un merveilleux effet pour la transpiration des humeurs et il
n’y a point de rhumatismes ou d’autres maux semblables, que l’on ne puisse prévenir ou guérir par ce Jeu, à le prendre avec modération, quand le beau temps et la commodité le permettent.
Il est propre à tous âges, depuis l’enfance jusqu’à la vieillerie.

Sa beauté ne consiste pas à faire de grands coups mais à jouer juste, avec propreté, sans trop de façons ; quand à cela on peut joindre la sûreté et la force qui font la longue étendue du coup, on est alors le joueur parfait.

Le jeu de mail était encore pratiqué en France jusqu’au début du vingtième siècle:

Carte postale, jeu de mail à Aix-en-Provence

Jeu de Mail à Aix en Provence. Photo: Bibliothèque Méjanes sur Flickr licence cc-by-sa

Les règles étaient différentes des règles du jeu de croquet actuel.

Règles du jeu de mail de 1717:

I

Il y a 4 manières de jouer au Mail ; au Roüet, en Partie, aux Grands-coups, et à la Chicane

II

Jouer au Roüet, c’est quand chacun joue pour soi et par tête, un seul en ce cas, passant au pair ou au plus grand quand il se trouve en ordre, gagne le coup dont on était convenu pour la passe

III

On joue en Partie, quand plusieurs se mettent d’un côté pour jouer avec d’autres d’égale forces, en pareil nombre ; et si le nombre est inégal, on peut faire jouer deux boules à un seul d’un côté, jusqu’à ce qu’un autre joueur survienne pour remplir la place vacante.

IV

Au Grands-coups, c’est quand deux ou plusieurs jouent à qui poussera plus loin, et quand l’un est plus fort que l’autre, le plus faible demande d’avantage, soit par distances d’arbres, soit par distances de pas.

V

Pour ce qui est de la chicane, on y joue en pleine campagne, dans des allées, des chemins, et partout où l’on se rencontre ; on débute ordinairement par une volée, après quoi l’on doit jouer la boule en quelque lieu pierreux ou embarrassé qu’elle se trouve, et on finit la partie en touchant unarbre, ou une pierre marquée qui sert de but, ou en passant par certains détroits dont on aura convenu, et celui dont la boule qui aura franchi ce but sera la plus loin, supposé que les joueurs de part et d’autres soient du pair au plus aura gagné.

VI

A quelques unes de ces quatre manières, on doit convenir avant le début, de ce que l’on joue.

VII

Personne ne doit se promener dans le mail quand on joue à cause des accidents qui pourraient arriver.

VIII

Il faut être au moins à cent pas de distance pour ne pas blesser ceux qui sont devant, et crier toujours gare avant que de jouer.

IX

ceux qui dans un jeu régulier ne font ni du Rouer, ni d’aucune Partie, ni des Grands-coups, ne doivent pousser qu’une boule afin de ne point incommoder les autres.

X

Quiconque jouant manque tout à fait la boule, ce que l’on appelle faire pirouette, perd un coup.Lorsque le mail (le maillet) se casse en rabattant, ou qu’il se démanche : si la masse passe la boule, le coup perdu est compté ; mais si la masse demeure derrière, le coup est nul, et le joueur recommence sans rien perdre.

XI

Si l’on fait un faux coup, ou que l’on soit arrêté en quelque sorte que se puisse être, par la fuate de ce avec qui l’on joue, ou du Porte-Leve, on pourra recommencer en quelque endroit du jeu que ce soit, mais toutes autres personnes, animaux ou rencontres, seront comme une pierre au jeu.

XII

L’on ne pourra en aucun lieu défendre les boules de ceux avec qui on joue, ni celles qui viendront à se heurter quand elles sont roulantes, si ce n’est qu’on les ait défendues pour le Grand-Coup.

XIII

On peut mettre sa boule en beau pour jouer où on l’a trouvée, sans néanmoins l’avancer ni la reculer que ce ne soit de l’agrément des joueurs.

XIV

Qui jouera une boule étrangère ne perdra rien, et pourra jouer la sienne quand il la trouvera ; mais celui qui jouera la boule de quelqu’un de la compagnie, perdra un coup pour la méprise, et continuera à jouer du lieu ou sera la boule, en comptant le coup perdu ; et celui de qui aura joué la boule, sera tenu d’en jouer une autre de la place où la sienne était ; et si un étranger joue la boule d’un des joueurs de la Partie, on la remet à peu près où on juge qu’elle était.

XV

S’il survenait des différents, pour des coups ou des hasards imprévus, on peut s’en rapporter au Maître du jeu, ou à des personnes présentes qui en aient quelque expérience, pour en passer sur le champ par leur avis.

Du début

I

Le début est le premier coup que chacun joue à toutes les passes que l’on fait.

II

On peut mettre du sable, de petites pierres, une carte roulée, ou un morceau de bois, pour élever la boule tant qu’on veut quand on débute.

III

Qui a une fois débuté pour être de la passe ou d’une partie, ne pourra plus se retirer sans payer ce qu’on jouait, si ce n’est du consentement des joueurs.

IV

Quand la boule de quelqu’un sort au début, il peut rentrer la première fois pour deux, en jouant une seconde boule, et si elle venait à sortir encore, il ne peut plus rentrer de lui même, mais par la permission des joueurs ; la deuxième rentrée qui est la troisième boule, lui coûte quatre passes : s’il entre pour une quatrième boule, il lui en coûtera huit et ainsi du reste en doublant toujours.

V

Quand le jeu du Roüet est commencé, et qu’un de ceux qui est , a gâté son jeu pour avoir manqué, être sorti et rentré en doublant les mises, il peut refuser un survenant de se mettre de la partie, en attendant que la passe ait été finie.

VI

Ceux qui portent au plus loin coup, ou à un certain arbre, doivent aller au moins jusqu’aux cent pas du début des deux côtés, autrement ils ne peuvent plus prendre leur avantage.

VII

Quiconque en débutant, aura mal joué , sans sortir, de sorte qu’il ne puisse y aller en trois, ou en quatre, suivant que tous les autres y iront, il ne pourra rentrer pour deux, si les joueurs ne le veulent.

VII

Quand le Roüet a commencé, ou est à un début, ceux qui se présentent pour en être , doivent s’informer de ce que l’on jour, afin que personne ne puisse faire de mauvaise contestation là dessus.

DES GRANDS COUPS

I

Celui qui jouera au Grand-Coup en quelque lieu que ce soit, ayant du consentement de son adversaire défendu toutes forces de hasards, s’il en survient quelqu’un , le coup fera nul.

II

SI le premier jouant du grand coup , n’a rien défendu, celui qui joue après ne peut rien défendre.

III

Lorsque celui qui joue le second au grand-coup , rencontre la boule du premier, quand elle n’aurait fait que la toucher, cela suffit pour faire dire qu’elle a gagné, quand elle serait restée en arrière.

IV

Une boule sortie peut encore gagner le grand coup , si elle est allée plus loin, quoique hors du jeu, en la remettant vis-à-vis d’où elle sera trouvée.

V

Aux grands coups, comme au rouet et en partie, ceux qui touchent aux au ais ou aux murailles ne peuvent plus rien défendre, et courent le risque de tous les hasards.

DES BOULES SORTIES , ARRESTES, POUSSEES, PERDUES, CHANGEES, CASSSEES ET DEFENDUES

I

toute boule roulante qui rencontre une autre arrêtée dans les cinquante pas du début, ou à vingt-cinq pas des autres coups, courra le hasard de la rencontre, si elle n’a été défendue avant que d’être jouée. Mais cette défense n’aura pas lieu, si la boule roulante touche les ais, ou les murailles, avant que de rencontrer l’autre boule.

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